Les effets pervers des biocarburants
D'après la Stampa de Milan, le prix des spaghettis s'envoleront bientôt suite à la course à la production aux biocarburants. L'association des producteurs de pâtes italiens prévoit d'ici septembre une augmentation de 20% en raison de l'essor de la production de l'éthanol.
En fait, ce sont les prix de toutes les céréales qui risquent d'être affectés par ce nouveau marché des plus lucratifs. La céréale la plus utilisée dans la production de ces carburants dits "propres" est le maïs (souvent transgénique) et demande des tonnes d'engrais, de pesticides pour soutenir des rendements élevés et des sols plutôt fertiles, ressource rare. Compétition donc pour des ressources limitées. Diminution de la production des céréales destinées à la consommation humaine et animale. Augmentation des prix de ces intrants, qui foremnt souvent une portion importante des coûts de production de vos aliments et donc... augmentation des prix des viandes, des produits laitiers, des produits de boulangerie, etc.
Que dire de la production des céréales vivrières dans les pays en voie de développement, de la déforestation causée par ces cultures et de la pollution engendrée?
Sont-ils si écologiques, ces biocarburants?
Commentaires
Tu as bien raison de soulever ce problème. Pour ma part c'est du n'importe quoi . C'est une tromperie monstrueuse. Les biocarburants n'ont que le mot de bio. Grrrrr ....
Marie flo | 26 juillet 2007 - 01 h 46
En fait le terme officiel sera désormais "agro-carburant"...
Le rendement énergétique est bof, du moins pour les deux filières actuelles (éthanol / plantes sucrières et plantes amylacées = blé, maïs betterave, canne à sucre et bio-diesel / oléagineux =colza, palme, soja) ; s'il est démontré que les agrocarburants diminuent le dégagement de CO2, le bilan environnemental complet n'est pas facile à faire, mais sur les deux aspects l'INRA travaille. A noter qu'en fait les espoirs se fondent surtout sur la deuxième génération qui devrait déboucher d'ici une dizaine d'années, fondées sur la biomasse (le "vert" des plantes) et d'autres végétaux (type miscanthus).
Quelques remarques car d'après ta synthèse l'article de la Stampa me paraît bien léger et mal informé :
- l'envolée actuelle des prix des céréales n'est pas due aux agrocarburants, mais à la sécheresse de l'an dernier qui a fait s'effondrer la production de blé australienne et de la Mer Noire (Russie Ukraine) ; cette année il y aura encore des tensions car la canicule à l'est va obérer les récoltes dans les PECO. Les stocks mondiaux sont au plus bas et l'UE va certainement supprimer l'année prochaine les jachères obligatoires. C'est plutôt sur les oléagineux (soja, colza, tournesol) que la concurrence du non alimentaire fait monter les cours actuellement.
- le prix du blé entre pour moins de 4% dans le prix du pain : c'est complètement faux de dire que c'est un élément important du prix des produits alimentaires.
- enfin, les végétaux utilisés donnent des co-produits (tourteaux, drèches de betteraves) utilisables pour l'alimentation animale (je rappelle qu'aujourd'hui on est encore sous le régime du plan Marshall de 1948 et dépendant des tourteaux de soja américain pour l'alimentation du bétail européen !!!).
- l'objectif environnemental est loin d'être le seul dans l'affaire : à côté de la réduction de l'émission de CO2 par les transports, les 2 autres objectifs officiels sont bien d'augmenter l'indépendance énergétique de l'UE, et de fournir des débouchés aux filières agricoles.
- je ne sais pas où la Stampa a pêché que c'était le maïs le plus utilisé. La filière huile - biodiesel est plus développée que la filière éthanol dans l'UE : la filière biodiesel représente aujourd'hui 4/5 des agrocarburants produits dans l'UE. Au niveau mondial le Brésil représente la moitié de la production d'éthanol et c'est à partir de la filière canne à sucre et non maïs. Les Etats-Unis sont le deuxième producteur et eux effectivement sont sur la filière maïs mais ça m'étonnerait que ça dépasse la filière canne à sucre.
Voilà mon "grain de sel" : le sujet est très important et complexe, autant ne pas raconter n'importe quoi comme le fait la Stampa. Si le prix de la pasta augmente ce ne sera pas à cause des agrocarburants mais des mauvais rendements et en revanche il est temps de se pencher sur les bilans énergétiques et environnementaux de la politique énergétique de l'UE à 2015.
Céline-marine | 26 juillet 2007 - 04 h 09
Céline-marine a déjà donné le gros du truc :) Le Mexique a déjà été aux prises avec un tel problème, la demande en maïs ayant fait monté le pris des tortillas (http://www.ledevoir.com/2007/01/29/129036.html).
De fait pour des pays qui sont en situation de surproduction agricole (comme c'est le cas de la France et de bien d'autres pays développés) les biocarburants sont une voie intéressante. Là où ça se complique, c'est quand on commence à attaquer soit ce qui entre directement dans le cycle "humain" à des fins nutritionnelles, soit quand on tape dans des espaces vierges pour les mettre en culture (des pays comme le Brésil et l'Indonésie sont régulièrement accusés de couper de la forêt tropicale pour faire pousser respectivement de la canne (=> ethanol) et des palmes (=> biodiesel).
Par ailleurs, pour avoir fait une analyse de cycle de vie sur le biodiesel issu des palmes, les impacts environnementaux sont, selon plusieurs méthodes, sensiblement les mêmes que l'utilisation de pétrole... Bref, non, c'est pas la panacée (mais c'est un domaine qui évolue rapidement)
Stéphane Z. | 26 juillet 2007 - 15 h 43
Le monde ne s'est pas fait en un jour...
Lolotte | 26 juillet 2007 - 15 h 47
Je ne peux remercier Céline-Marie et Stéphane pour leurs commentaires. L'effet sera plus néfaste dans les pays en voie de développement déjà aux prises avec des problèmes de toute sortes liés à l'économie agroalimentaire. Pourquoi ne pas essayer de valoriser les résidus de cultures ou mieux encore, de pousser les recherches sur l'hydrogène, une énergie que l'on dit vraiment propre, à moins que je me trompe?
Les biocarburants ne profiteront aux grands propriétaires et aux industriels encore une fois.
Ygel | 26 juillet 2007 - 17 h 57
Il y a quelques graal en cours de développement dans les éprouvettes. Le premier est l'éthanol cellulosique qui serait effectivement produit à partir de résidus des processus agricoles. On parle aussi d'algues (OGM ?) permettant de produire de l'huile pour le biodiesel avec une capacité de production par unité de surface nettement plus élevée et qui ne nécessiterait pas de raser de la forêt et pourrait se faire quasiment n'importe où. Mais je ne sais pas dans quelle mesure le potentiel est surévalué et s'il n'y a pas un buzz excessif dessus... je pense qu'il faut attendre pour voir ce qu'il en est. Mais c'est certain que ce seront principalement les gros producteurs qui en tireront le plus profit, c'est une histoire de gros sous. Les pays émergents pourraient en tirer profit sur le marché international, mais la population locale pourrait en souffrir.
Pour ce qui est de l'hydrogène, ce n'est pas vraiment la solution. Disons que l'hydrogène est surtout un véhicule énergétique. La question demeure : comment produire cet hydrogène et ensuite l'utiliser efficacement ? Pour le moment, c'est là que ça bloque, c'est une grosse limitation. Même les spécialistes les plus convaincus pensent que la civilisation de l'hydrogène est à plusieurs décennies (de même que l'énergie solaire commence seulement à devenir intéressante alors qu'elle est en développement depuis plus de 30 ans)
Stéphane Z. | 26 juillet 2007 - 22 h 41