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06 juin 2005

Déjeuner au Grand Véfour

Tel que promis, pour fêter mes 45 printemps, la mère du Capitaine nous a invité son rejeton et moi à déjeuner au Grand Véfour, un restaurant classé trois étoiles au guide Michelin. À lire des récits comme celui-ci, ça ne peut faire rêver un lapin gourmand comme moi.

Un repas de fête

12:45. Dès l'entrée, nous sommes salués par au moins cinq membres du personnel. Le décor est magnifique, mais à notre surprise, le restaurant est plutôt petit ne comptant qu'une dizaine de tables toutes serrées les uns contre les autres. Un salon privé au second étage permet d'accueillir des groupes de 5 à 20 personnes. Le personnel est important. Je compte au moins une dizaine de personnes en salle. Ça fait beaucoup de monde et même un peu trop par moment... La clientèle était composée de touristes, des Français (dont un père et son fils qui célébraient aussi un anniversaire) et d'une célébrité parisienne, Michou, l'homme tout de bleu vêtu!

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Après avoir été installés à la table George Sand et en attendant le Capitaine, nous bûmes une coupe de champagne rosé. J'ai apprécié son goût léger et harmonieux, moi qui ne suis pas très champagne. La mère du Capitaine, grande amatrice lui préfèra les champagnes plus classiques. Quand le Capitaine arriva enfin, on lui servit subito presto le même champagne.

Le menu nous fut remis. La carte du midi est courte. Elle était composée ce jour-là de trois entrées, de quatre plats principaux dont deux poissons, d'un plateau de fromages et de six desserts. Nos choix se sont faits rapidement. La carte des vins est impressionnante et agréable surprise, une courte sélection de vin au verre (4 rouges et 4 blancs) la termine. Un Saumur rouge attire mon attention et surprendra même le Capitaine qui tient ces vins en basse estime.

En amuse-bouche, la maison offrit un consommé à base d'eau de végétation de tomate très rafraîchissant servi dans un petit verre à liqueur. C'est la mode! On y retrouvait aussi une émulsion mousseuse et une réinterprétation d'une fondue parmesane.

En entrée, le Capitaine et sa mère ont sauté sur un pressé de foie gras (ce sont de grand amateurs de foie gras). Ils ont beaucoup apprécié sa saveur. Quant à moi, j'ai choisi un tartare de thon au couteau à l'avocat. Une entrée fraîche, légère et joliment présentée!

En plat principal, la mère du Capitaine choisit un morceau d'épaule d'agneau cuit sept heures accompagné d'un jus de cuisson très concentré. Trop salé au goût de la cliente ... mais on avait attendu son commentaire. Le maître d'autel lui amène illico presto un morceau de filet d'agneau bien rosé, deux petites côtes dans une assiette blanche et un rince-doigts. Il explique gentiment la raison du goût salé de la sauce. Il s'assure que la cliente est satisfaite et repart. C'est ça aussi le service des grands restaurants...

Le Capitaine plus aventurier commanda une tête de veau et une demie cervelle accompagnés d'un jus aux herbes et d'une petite salade. Quant à moi, toujours très sage, je choisis un des deux poissons du menu, un dos de cabillaud accompagné d'une terrine de poivrons et de tomates. Mon poisson est délicieux cuit à la perfection. Tout simple mais la simplicité est souvent la chose la plus difficile à réussir en cuisine car aucun artifice n'est là pour cacher les défauts d'une cuisson ou la mauvaise qualité d'un poisson.

Le plateau de fromages arrive. Il met en vedette des fromages de chèvre et des fromages de montagne au lait de vache. Le Capitaine choisit principalement des fromages de chèvre. Pour ma part, j'ai choisi un excellent chèvre des Deux-Sèvres, un vieux Comté âgé de trois ans qui me rappelle en texture et en goût un bon parmesan, un étrange fromage au goût de jambon et enfin, je découvre le fameux soumaintrain bourguignon, le tout est suivi avec du pain aux noix ou du pain de campagne.

Ouf! Voilà maintenant les desserts. Les fruits et le chocolat y sont mis en vedette. Des petites brochettes d'ananas rôti aux épices accompagnées d'un granité au gingembre et d'une mousse au thé vert (très peu sucré et à mon goût) terminèrent mon repas en beauté. Délicieux! Les desserts semblent le point fort de Monsieur Martin. Il faudra que je tente de recréer cette recette à Montréal.

Comme si cela n'était pas assez, arrivent les pâtes de fruits (dont une excellente pâte pommes-cannelle) et les mignardises (macarons, tuiles, crème aux fruits et canapé melon-pâte d'amande), le gâteau de Savoie et les petits chocolats (dont un mendiant aux noix et au sel de Guérande vraiment surprenant) qui accompagneront les cafés.

La cuisine de Monsieur Martin est de facture assez classique mais la fraîcheur des aliments, leur cuisson, les sauces et la présentation y sont particulièrement soignées sans oublier la qualité de ses desserts. Un régal pour les yeux et pour les papilles! Un grand moment gourmand pour moi et je ne peux que remercier que la mère du capitaine de m'avoir permis de le vivre.

Maintenant, il faut que je lui rendre la pareille quand elle sera en visite à Montréal.

Un peu d'histoire

Le Grand Véfour a une longue histoire qui remonte 1784, où le Sieur Aubertot, limonadier, ouvrît un café très chic où il était bon de se montrer pour discuter politique. Le Café de Chartres localisé dans la galerie du même nom au Palais-Royal devînt sous la Révolution un restaurant luxueux. Napoléon et Joséphine y déjeunèrent.

Jean Véfour racheta le café en 1820 et lui donne son nom. Il en fit un lieu à la mode où l'on pouvait croiser le Tout-Paris tout au long du XIXe siècle. Sous le Second Empire, on y croisait des auteurs célèbres comme Victor Hugo (qui aimait particulièrement la poitrine de mouton aux haricots blancs), Lamartine, des généraux comme le maréchal Mac Mahon ou l'explorateur Humbolt. Il tombe un peu dans l'oubli avec la première Guerre Mondiale

Racheté en 1948 par Raymond Olivier, il retrouva sa gloire passée grâce à Colette et Jean Cocteau. Le Grand Véfour redevient le LIEU à fréquenter et où fraie le Paris mondain des années 50 et 60. La famille Taittinger, célèbre pour ses champagnes rachète le restaurant en 1983. Un épisode malheureux : un attentat à la bombe le 23 décembre 1983 cause de nombreux dommages et une douzaine de blessés dont Françoise Rudetzki qui fonda par la suite SOS-Attentats.

Le Grand Véfour restauré avec soin est maintenant classé monument national. Il a retrouvé son décor Second Empire. Son chef actuel, Guy Martin (aux allures de jeune premier) est aux commandes des cuisines depuis douze ans.Trois macarons sont venus consacrer son travail acharné en 2000.